Ternoise raconte le département du Lot où "les étrangers" ne sont pas forcément les bienvenus...
Nous ne sommes pas nés ici
Nous ne sommes pas nés ici. Je ne suis pas né ici, dans ce département. Mais 900 kms plus haut. Certes en France et avec une peau dite blanche. Donc, oui, ça pourrait être pire, dans leur regard, leur attitude ! Quoique… Certes, ils se proclament parfois « non racistes » mais ça peut signifier : d’ici ou tous « de l’autre race. » Tous dans le même sac ! Il faudrait au moins trois générations pour être con… sidéré d'ici ! Selon certains, chez ces gens-là ! J’ai choisi de vivre dans ce Quercy en 1995. Dans une minuscule, ravissante et alors abordable contrée près de Montcuq, au sud de Cahors.
Si j’en avais eu les moyens, j’aurais sûrement rapidement essayé de trouver un endroit aussi paisible et beau mais plus accueillant, plus culturel, plus spirituel, moins borné, moins clanique. Quoiqu’à 25 ans, je ne nourrissais déjà plus guère d’illusions sur le comportement des humains. Mais quand même.
« Le fameux clientélisme », comme le résuma en 2004 Pascal Serre dans un édito resté célèbre du mensuel Dire Lot. Clientélisme dont les racines remonteraient au Pape cadurcien Jean XXII, et naturellement s’est arrêté avec Maurice Faure murmurent les prudents.
On se dit que les enfants ne vont quand même pas ressembler aux parents mais certains prétendent, sûrement en caricaturant, qu’à chaque génération les meilleurs s’en vont et les autres perpétuent le provincialisme dans toute son effarante dimension, une mentalité féodale saupoudrée de paternalisme. Sauf exceptions mais avec rarement la force de s’opposer au rouleau compresseur des habitudes, des traditions. Toujours le pratique « il faut bien bouffer » et la crainte des représailles.
Naturellement, aucune envie de les fréquenter, ces notables. Ne pas participer à leurs petites mondanités m’a rapidement semblé préférable. Je souriais des agenouillés sur leur strapontin ! Mais le problème, ce fut l’impossibilité de « faire des choses » un peu publiques, littéraires, dans ce contexte. Tout semblait tellement figé. On m’a même discrètement glissé la nécessité de parfois remettre une enveloppe, offrir un cadeau, et nommer un grand homme Président d’honneur de toute association. J’étais jeune et ce fonctionnement ne correspondait pas à ma vision de la France. J’ai cherché La République, dans ce coin.
Un jour un néologisme m’est venu : la petite maurytannie. L’homme fort du canton moribond, c’était un certain Daniel Maury, entre autre maire de Montcuq. Début des années 2000. Il paraît qu’ils l’ont très mal pris, les gens du clan ! J’avais balancé l’expression compréhensible par tout le monde. Désormais sa veuve est conseillère départementale. Son cousin maire de Montcuq en Quercy Blanc. Mes autres néologismes n’ont jamais connu pareille répercussion.
« Xénoquercyphobe » n’a jamais été repris. Malgré sa définition officielle « hostile aux étrangers, les sans ancêtres quercynois. » Ausländer version occitane.
Pareil destin pour « l’éthnoquercycentrisme », cette « tendance à privilégier le groupe social d’origine quercynoise ancienne et à en faire le seul modèle de référence. »
Quant à mon discours sur « nos ancêtres les quercygaulois », à part l’interrogation au sujet de la voix imitée, les réactions furent rares.
Naturellement, ces quercygaulois se détestent, car ne sont pas tous à la droite du grand-chef-du-moment. Même si les frontières entre classes se sont estompées, si des passerelles sont possibles, les puissants savent pouvoir compter sur la serviabilité des soumis. Et tous unis contre les « estrangers. » Sauf naturellement, si vous arrivez avec de l’argent. Le réflexe de s’abaisser devant les riches semble toujours inscrit dans cet atavisme. Ils s’abaissent et méprisent. Quant au sourire quercynois, c’est une attraction touristique, fausse gentillesse destinée à palper un maximum de fric, sur les marchés, dans les commerces, ou comme propriétaire d’un gîte rural.
Certes, les conséquences du vieux système sont tellement manifestes, leur pouvoir en vacille. Mais ils essayent de trouver des boucs-émissaires. La ruralité aurait été abandonnée par l’état et le train raté de l’internet ne proviendrait donc pas de l’incurie locale, départementale et régionale ni de la volonté de maintenir les situations acquises. Plutôt la médiocrité d’ici que l’intelligence venue d’ailleurs. Tout changement représente un risque.
Nous, les « sans ancêtres quercynois » ne sommes pourtant plus minoritaires. Mais nombre d’entre nous, dont les retraités aisés venus chercher un peu moins de pluie et un peu moins de bruit, préfèrent fermer les yeux devant ce provincialisme, ses petits-chefs, pour "être bien vus », au moins ne pas s’attirer des problèmes. Car les installés sont vindicatifs. Toute critique semble considérée comme une insulte nécessitant une sanction. Le zèle des inféodés désireux de se bien faire voir confine parfois au ridicule, va parfois encore plus loin dans la méchanceté. Et permet au système de perdurer.
C’est bien grâce au manque de courage de celles et ceux indignés par leur comportement, que se maintiennent ces "héritiers". J’ai parfois repris le « n’ayez pas peur » de Jean-Paul II, mais sans parvenir à impulser un véritable coup de balai sur les vestiges du « clientélisme lotois. »
« Au village, sans prétention, J'ai mauvaise réputation ; Que je me démène ou je reste coi, Je passe pour un je-ne-sais-quoi » Le Georges Brassens, de la « Mauvaise Réputation » se confirme. Ainsi, pas une association, pas un administré, n’a publiquement dénoncé les propos de notre première adjointe quand elle a exposé un système clientéliste d’attribution communautaire des subventions. Hé oui, tous redoutent d’être également sanctionnés ! Attention au crime de solidarité avec l’étranger ! Pas un élu non plus pour s’exprimer publiquement. Même notre député, M. Pradié, pourtant prompt à vilipender le gouvernement. Mais il semble proche du maire de Montcuq en QB, et il est… du Quercy. Ce silence semble les avoir persuadés de pouvoir aller encore plus loin, et inventer en conseil municipal des « propos injurieux » pour justifier l’absence de subvention au salon du livre 2019, donc sa nécessaire annulation.
Quant à Georges Brassens, dans "La Ballade Des Gens Qui Sont Nés Quelque Part", causant des imbéciles heureux d'être nés quelque part, il balançait Montcuq. Peut-être pas seulement pour la rime.
Peut-on espérer un avenir vraiment dans la République, harmonieux et déontologique ou, finalement, ce sud deviendra une forme de désert à résidences secondaires, gîtes ruraux et nostalgiques du « bon vieux temps » ?
Début juillet 2019, c’est en commentaire d’une vidéo sur un lavoir de la commune nouvelle, officiellement entretenu par la municipalité et dans un état déplorable, que s’est exprimé de la manière la plus précise, cet esprit disons obtus. Cette envolée dans un groupe facebook me semblait pouvoir conclure ce texte déjà ancien, placer son point final pour le rendre public. Oui, nous en sommes là, encore là :
« L’accent que vous avez ! Vous n êtes pas Montcuquois !
vous ne serez jamais Montcuquois, moi oui!!!! et je m occupe de mon cul pas celui du voisin.
Le lavoir sera entretenu car les vrais habitants du village feront le nécessaire !!
Si c'est la place du maire que vous voulez, ni pensez même pas dixit un amoureux de son village !!
Moi j’habitais quartier Montmartre, mes grands parents et arrières étaient exploitants et boulangers et épiciers, mes amis étaient bouchers, tueurs aux abattoirs.
Vous ne connaissez pas les Montcuquois. »
#vivredansle46
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